Ces deux là,
Jamais au grand jamais, ne devaient se rencontrer.
Elle, sentimentale au possible, bien mariée au début mais cinquante longues années de vie commune, des enfants, des petits enfants émoussent à la longue les grands sentiments. Elle assumait sa sensualité, toujours présente, de la manière qu'elle pouvait. Comme elle était encore fort belle,les hommages ne devaient pas lui manquer. Mais bien entendu, la prudence s'imposait toujours; on ne détruit pas une vie bien organisée pour une amourette incertaine. Et là, je vais citer Jacques Brel : "Il faut bien que le corps exulte".
Elle se dispersait un peu, d'une activité à l'autre, en fonction de ses coups de coeur passagers. Mais l'amour, oui, le vrai et grand amour, elle ne le connaissait plus. Depuis longtemps.
Elle était heureuse, plus ou moins.
Lui, jamais on ne vît un pareil rêveur... Jamais son pauvre esprit ne trouvait le repos, il rêvait tout le temps; il travaillait, il rêvait. Il faisait des courses, il révait.Il discutait des prochaines élections, il rêvait. La nuit venue, ses rêves l'empèchaient de dormir.
Il avait aimé, beaucoup, trop. Et il disait, comme Gabin :"Je sais". Mais il ne savait rien de rien.Et il annonçait cela comme on lève un drapeau pour aller à la guerre. Il annonçait cela pour éviter la guerre, car ça, il savait vraiment.
Et les deux là se rencontrèrent, allez savoir pourquoi. Oh non, pas dans un bistro, pas un supermarché, rien de tout cela, pour la simple et bonne raison qu'ils vivaient à sept ou huit cent kilomètres l'un de l'autre.
Je vous dit ça mais en réalité je n'en sais rien, ça n'a aucune importance car l'espace ne compte pas pour les réseaux sociaux, comme ils disent. Un site qui tentait de faire de l'humour, (non, pas de mauvais jeu de mots). Ils se sont rencontrés sur les réseaux sociaux, vous disais-je, mais non, vous n'y êtes pas du tout: Ils se sont tamponnés, comme au supermarché, comme dans la file d'un ciné... Et puis, l'un a dragué l'autre, on ne sait plus lequel, tranquillement, comme il aurait convenu à des gens de leur age, en tenant compte de leur savoir vivre et des belles manières de notre société. Mais là encore nous nous trompons. Je n'exagère pas quand je dis qu'il se sont tamponnés. Ils se sont enlacés, comme dans la chanson de Piaf, la Foule. Mais Piaf n'avait pas connu les réseaux sociaux. Et ils ne se sont plus quittés, virtuellement, j'entend. Il avait peur que la guerre recommence, elle avait besoin d'être aimée. Leur relation continua, tant bien que mal, mais on devinait chez eux, le manque d'eux. Il s'aimaient tant (comme les Amants de Saint Jean) mais...virtuellement. L'un ou l'autre doutait, parfois mais alors, c'était l'autre qui allait le secourir. Assurément, ces deux là s'aimaient.
Mais le temps passait et rien ne changeait, ajoutant à leur frustration, et ils se posaient des questions, beaucoup de questions. Il en venaient même à penser qu'ils s'étaient trompés.
Un beau matin, comme à son habitude, elle avait regardé ses messages et il en est un qui la fît bondir. "Je suis dans tel hôtel, à vingt kilomètres de chez toi, tu viens quand tu peux".
L'air cessa de couler dans ses poumons, les battements de son coeur cessèrent, comme un balancier sans énergie. Elle n'y croyait pas, c'était impossible, ce mec là voudrait la détruire qu'il ne s'y prendrait pas autrement.
Je peux vous assurer qu'elle ne fût pas longue à se préparer. La voiture démarra au quart de tour et elle arriva plus vite encore qu'il n'était possible; Plus vite encore qu'il n'avait prévu; le gros bêta était encore au lit. Que croyez-vous qu'elle fît , Sans aucune hésitation elle se dévêtit et le rejoignît dans un grand éclat de rire et de gourmandise.
Bien entendu, vous n'avez pas lu jusqu'ici sans vouloir connaître la fin. Ben non, ça n' est pas la fin puiqu'ils sont toujours ensemble, dix ans plus tard, et pour longemps encore.
Je ne sais vraiment pas pourquoi je vous raconte tout ça.
Rogerson